NOTRE DECLARATION PREALABLE EN REUNION CE ...
LES NOURRITURES TERRESTRES OU L’ASPHIXIE DU RESEAU
Madame,
Nous savons d’ores et déjà que le temps vous semblera bien long à l’écoute de cette déclaration mais nous tenions, une fois n’est pas coutume, à vous remercier, car grâce à vous, nous avons pu redécouvrir les Nourritures Terrestres d’André Gide.
Apologie du désir selon les critiques, ou bien du dénuement selon son auteur, ce livre inspirera peut-être aussi les salariés agiles, attentifs et chaleureux convertis à préférence client ainsi que leurs managers libérés, confiants et responsables invités :
A accomplir ce qu’ils s’étaient proposé d’accomplir pour se réaliser dans le cadre de leur projet de service agence,
A trouver dans l’oubli de soi au profit de leur client et de leur employeur la plus parfaite, la plus haute exigence, et la plus illimitée permission du bonheur,
A s’intéresser plus à eux-mêmes qu’à l’ouvrage, et puis à tout le reste plus qu’à eux-mêmes,
A ce que chaque désir les enrichisse plus que la possession toujours fausse de l’objet même de leur désir, en conséquence à se déposséder de leurs biens matériels et donc à renoncer à leurs sempiternelles demandes d’augmentations et d’amélioration de leurs conditions de travail,
A comprendre ce que leur dit leur employeur, parce que comprendre c’est se sentir capable de faire,
A assumer le plus possible d’humanité envers leurs clients avertis et exigeants ainsi qu’entre collègues malgré le poids du collectif dans ses commissions, parce qu’en elle réside la bonne fortune,
A renaître avec un être neuf, sous un ciel neuf et au milieu de choses complètement renouvelées et digitalisées,
A ce que chaque attente, en eux, ne soit même pas un désir, mais simplement une disposition à l’accueil de ses clients en attendant tout ce qui viendra à eux mais en ne désirant que ce qui viendra à eux,
A ne désirer donc que ce qu’ils auront, et quand il n’auront rien, à s’en contenter,
A ce que conformément au parcours sensoriel, toute connaissance qui n’a pas été précédée d’une sensation soit inutile,
A ne jamais désirer regoûter aux vieilles recettes du passé.
A ce qu’ils promènent une éternelle ferveur à travers leurs constantes mobilités en ne s’attachant à rien et si possible à personne.
André Gide nous rappelle aussi que l’incertitude de nos voies nous tourmente toute la vie et que tout choix est effrayant quand on y songe et que « Choisir, c’est renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste et la quantité nombreuse de ce qui reste demeure préférable à n’importe quelle unité. »
Choisir, c’est donc renoncer avez-vous dit à plusieurs reprises mettant ainsi chaque salarié et chaque manager devant ses responsabilités alors que rarement les conditions d’un véritable choix, pas plus d’ailleurs que celles d’une véritable expression dans un sondage en ligne, sont aujourd’hui pleinement réunies dans le réseau.
En effet, et comme le dirait M. de la Palisse, pour choisir, encore faut-il avoir le choix. Sinon, il s’agit souvent bien plus de se résigner par dépit plutôt que de décider volontairement dans le plein exercice de son véritable libre arbitre.
Dans le réseau, choisir aujourd’hui, c’est souvent vouloir respirer et quitter un environnement de travail de plus en plus toxique et anxiogène.
Alors que chaque année la direction nous présente une nouvelle étape de la respiration du réseau au travers des nouvelles fermetures d’agence censées l’aérer, nous voudrions donc lui parler de son inexorable asphyxie.
C’est la sensation que nous ressentons de plus en plus vivement chez nos collègues exposés à la dégradation constante de leurs conditions de travail, aux injonctions contradictoires de faire plus et mieux avec moins, à l’alourdissement permanent de leur charge de travail, ainsi qu’à des dérives managériales inquiétantes et qui trouvent en dehors du réseau de meilleures rémunérations, conditions de travail et équilibres de temps de vie leur permettant de retrouver un souffle nouveau.
Des éléments du bilan social, balayés en une minute dans cette instance,
l’incapacité dans laquelle se trouve la direction de nous communiquer la liste des postes vacants alors qu’elle est remise mensuellement aux élus dans l’autre DR francilienne,
La relance du commerce à tout crin annoncée en début d’année par notre directeur,
Le retour en agence des dossiers immobiliers sans allègement du temps de réception rendu impossible par la suppression des chargés d’accueil,
L’absence d’implication des parties prenantes que sont les organisations syndicales à l’élaboration d’un véritable sondage auprès du personnel,
Sont autant d’éléments qui ne laissent pas de nous inquiéter quant à la volonté de la direction de la DR d’inverser cette évolution.
Aussi, encore une fois, et au moment où la direction générale a déjà fait savoir que les salariés du réseau français n’auraient pas grand-chose à attendre de la prochaine négociation annuelle obligatoire sur les salaires, les élus CFDT vous demandent de mettre en œuvre une véritable symétrie des attentions à tous les niveaux et pas seulement à celui des managers de proximité, de renforcer les moyens humains et techniques dans le réseau et enfin, de récompenser financièrement nos collègues, ces femmes et ces hommes qui ont continué à déployer des efforts et à répondre présent à leurs clients pendant toutes les crises et restructurations aussi bien passées qu’en cours.